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Cultiver des fleurs en pleine ville

Produire des fleurs en agriculture urbaine ? C’est le défi dans lequel s’est lancée Masami-Charlotte Lavault. Elle cultive à Paris, à la main et en plein champs, des fleurs vendues en circuit court.

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C’est à Paris intra-muros, dans le 20e arrondissement, que Masami-Charlotte Lavault cultive des fleurs depuis fin 2017. Elle partage le champ de 1 200 m² avec Pépins Production, une association de pépinières de quartier. En 2016, avec Interface formation, Masami-Charlotte et Pépins Production déposent une candidature conjointe lors du premier appel à projets des Parisculteurs (1). Leur projet d’agriculture urbaine non comestible nommé « Flore urbaine » est alors désigné comme lauréat. Ils obtiennent la parcelle pour un bail de 10 ans, louée 800 euros par an, qu’ils se partagent. La majeure partie est occupée par la production florale, baptisée par sa conceptrice “Plein Air Paris”. Trop pollué pour y cultiver des fruits et légumes destinés à la consommation, c’est la particularité non comestible du projet qui leur a permis d’obtenir le terrain.

À Plein Air, la production se fait en pleine terre et en plein champ, sans produit et tout à la main. Les fleurs produites sont ensuite vendues en circuit court à Paris.

Des débuts tortueux

Après des études de designer industriel en Autriche et en Angleterre, Masami-Charlotte Lavault change de cap. Elle se forme d’abord au maraîchage biodynamique à travers ses voyages dans des fermes au pays de Galles, au Maroc et au Japon, où elle fait mûrir son projet. Puis elle se spécialise en floriculture auprès de l’américaine Erin Benzakein, une des pionnières du mouvement du slow flower (voir encadré).

Avant d’obtenir ce terrain à deux pas de la station de métro Télégraphe, elle a cultivé pendant un an et demi un terrain à Montreuil. « Avant Anne Hidalgo, c’était difficile [de faire de l’agriculture urbaine] à Paris » regrette-t-elle.

Puis, l’appel à projets de la première saison des Parisculteurs lui a permis d’obtenir un terrain dans Paris. Il était accessible dès juin 2017, mais il n’y avait pas encore d’eau, etc. Les cultures n’ont pu débuter qu’en octobre 2017.

Choix de la palette végétale

La parcelle, qui jouxte le cimetière de Belleville, profite d’une bonne exposition. Un tel terrain, de pleine terre et bien ensoleillé, est une perle rare en ville. Et ces particularités permettent de cultiver un grand nombre de fleurs et de ne pas se limiter à des variétés tolérantes à l’ombre. Masami-Charlotte Lavault change ses cultures d’une année sur l’autre. « Je choisis en fonction de mes envies. Je ne fais pas les “divas”, ni celles que Rungis fait en très grandes quantités, ou celles qui demandent trop de place, comme les roses ou les pivoines ». Pour le reste, « je choisis ce que j’aime ». Cette année, par exemple, il y aura pois de senteur, iris, narcisse, tulipe… « Beaucoup de feuillage aussi, et des plantes odorantes ». Au total, une centaine de variétés sont cultivées. À la fois des vivaces, des annuelles et des bisannuelles.

Des fleurs pour les fleuristes et les particuliers

Toutes ces plantes, l’agricultrice urbaine les vend aux professionnels soucieux de s’approvisionner localement, mais aussi aux particuliers. Chaque samedi après-midi en saison, elle vend ses fleurs directement au champ. Elle livre également, certains jours et à vélo, des fleuristes à Paris et dans la petite couronne. Jusqu’à l’année dernière, elle faisait des listes de commandes pour les professionnels, mais c’était trop compliqué à gérer. Elle est donc passée cette année aux paniers déjà préparés. Un genre de panier d’Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), mais pour les professionnels.

Au niveau des prix, « je me cale sur ceux de Rungis, pour ne pas faire de prix trop bas, sans qu’ils ne soient exorbitants non plus ». Les prix destinés aux particuliers sont un peu plus élevés que pour les professionnels. Il faut compter environ 15-20 euros le bouquet. Pour l’instant, professionnels et particuliers représentent une part égale du chiffre d’affaires.

Mais l’entreprise n’est pas encore rentable, situation somme toute logique dans le cas d’une création. Par conséquent, Masami-Charlotte ne peut pour l’instant pas se rémunérer, ce qui l’oblige à avoir un second travail : traductrice (en anglais et en allemand). Et le métier d’agricultrice urbaine n’est pas de tout repos. Elle travaille entre 16 et 17 heures par jour, sauf l’hiver où la période est plus calme. Et elle doit tout faire seule : la production, les dossiers, le graphisme, la comptabilité, l’entretien…

Léna Hespel

(1) Organisé par la ville de Paris, ce projet a pour but de reverdir et renforcer la place de la nature à Paris avec pour objectif : 100 ha végétalisés d’ici 2020. Lors du premier appel à projets, 47 sites ont été mis à disposition. Il y a eu 33 sites pour Parisculteurs saison 2. La troisième saison est en cours, avec 34 sites. http ://www.parisculteurs.paris/.

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